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  • : Évoluer en 3ème division: une autre vision du football.
  • : Évoluer en 3ème division, ce sont des recherches, des comptes-rendus, des événements. C'est une modeste contribution à la recherche en sciences sociales et en histoire sur le football. La chanson de Miossec a inspiré le blog. Si aucune dynamique de chansons sur le football n'a suivi, elle n'en est pas moins un hymne décalé, aux joueurs rugueux et amateurs. Tout chercheur sur le football est footballeur amateur et "professionnel" du football.
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17 octobre 2011 1 17 /10 /octobre /2011 20:25

 

Partie 1 : ici


Le N.F.-Board, concurrent ou antichambre de la FIFA ?

En 2003, les fédérations en marge du football institué et patronné par la FIFA s'organisent dans une nouvelle institution : le Nouvelle Fédération-Board. L'initiative vient de quatre hommes, qui décident de sa création dans un pub de Liège, La Mort subite, à l'image de la création de la FA en Angleterre en 1863, dans la Freemasons' Tavern. « La France est un pays qui aime bien créer des institutions » écrivait Pascal Boniface en 2002. C'est encore le cas avec le N.F.-Board. Le premier bureau dirigeant est composé de Christian Michelis, président, qui est vice-président délégué du Challenge Prince Rainier III à Monaco ; le vice-président était Jean-Luc Kit, président et fondateur de l'Observatoire Mondial des Footballs ; le secrétaire général était Luc Misson, avocat de Jean-Marc Bosman ; enfin, le quatrième membre fondateur était Thierry Marcadé, qui promouvait le football au Tibet. Six fédérations adhèrent à la nouvelle fédération dès sa création, mais seulement deux sont directement affiliées : Monaco et la Laponie. Les autres membres originels sont le Sahara Occidental, Chypre du Nord, le Tibet1 et les Chagos. Pour Jean-Luc Kit, 77 fédérations pouvaient aspirer à entrer dans le N.F.-Board. Avant la première VIVA World Cup, 21 fédérations étaient affiliées, de façon provisoire, associée ou définitive. Zanzibar et le Somaliland en 2004, avant une année 2005 marquée par 11 adhésions : Tchétchénie, Basse-Saxe du Sud, Saugeais, Occitanie, Romanie, Sealand, Papouasie Occidentale, Moluques du Sud, Cameroun Méridional, Groenland et Kiribati. L'année 2006 voit l'adhésion définitive de plusieurs fédérations, et l'arrivée de Rijeka, des Masaï et de l'île de Pâques ; en 2007, le N.F.-Board compte 26 fédérations, avec l'ajout de Yap, de la Wallonie, de Casamance, de Gozo et de la Padanie. 31 fédérations sont comptabilisées en 2008, et le Skaneland est la 34e fédération du N.F.-Board en avril 2011. Un des rares membres à avoir quitté l'institution émergente est Monaco : le gouvernement monégasque a interdit l'équipe de jouer contre certaines fédérations, pour des raisons politiques.

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Ainsi se pose la question des buts du N.F.-Board, et de son apolitisme. Le N.F.-Board a pour but, selon l'article 2 de son règlement intérieur, de fédérer les Football associations non affiliées à la FIFA, et ce dans le but de les préparer, un jour, à rentrer dans la FIFA. Ainsi, elle ne se place pas en concurrente de la FIFA, mais comme complémentaire, comme l'antichambre de la FIFA. Elle permet à certaines fédérations de jouer des matchs internationaux avant une entrée possible dans la FIFA : Kiribati est membre associé du N.F.-Board, malgré des candidatures à l'entrée dans la FIFA, et le Groenland l'est également, la FIFA ne voulant le faire entrer pour des raisons de terrains non homologués. L'instance rassemble plusieurs types de fédérations, qui correspondent à des territoires, des peuples, qui répondent de différentes conceptions de la nation. Tout d'abord, adhèrent des États-nations comme Monaco, ou Kiribati. Les régions autonomes sont une autre catégorie représentée, avec le Groenland, le Kurdistan, le Tibet. Des peuples sans État prennent part à cette construction sportive, avec les Roms, les Araméens, les Chagossiens. Enfin, dans la catégorie « séparatistes », on retrouve diverses nations plus ou moins farfelues : la Tchétchénie, le Cameroun Méridional, mais aussi Sealand, cette plateforme britannique devenue principauté en 1967, la république du Saugeais, dans le Doubs, ou encore l'Occitanie, la Provence et la Padanie, création de la Ligue du Nord. Le N.F.-Board a reçu en 2007 des candidatures en provenance des équipes régionales espagnoles. La même année, les fédérations basque et catalane signaient la « déclaration de San Mamès », les engageant à tout mettre en œuvre pour la reconnaissance des équipes régionales.

Si l'initiative du N.-F.-Board peut sembler anecdotique, elle a pour objet de « donner une vitrine culturelle » aux « Peuples et Nations de la Terre ». En plus d'être un mouvement sportif, il s'agit d'un mouvement culturel, promouvant les différentes cultures des peuples représentés, et parfois d'un mouvement politique, les équipes restant le porte-drapeau des causes défendues. Cette vocation culturelle a trouvé comme issue, pour l'organisation de la VIVA World Cup 2012, un partenariat avec l'association Arts, Cultures, Sports et Civilisations, qui organisera en même temps un festival des cultures. Au vu de la diversité des populations représentées dans les assemblées du N.F.-Board, Matthew Weiner écrivait en février 2006 dans le Timesqu'elles ressemblaient aux scènes de bar dans Star Wars ! Enfin, à l'instar de la FIFA, le N.F.-Board s'est structuré en confédérations régionales. La seule pérenne est le CSANFConsejo Sudamericano de Nuevas Federaciones, fort de 7 membres à ce jour. Une confédération européenne, la CNEF, a été en construction et dissoutee en 2009. La même année était en formation une confédération rassemblant les fédérations d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et de l'océan arctique.


La VIVA World Cup, un essai à transformer.

Dès sa création, le N.F.-Board se mit comme objectif d'organiser une compétition pour faire se rencontrer les équipes dans l'esprit du jeu. Avant la création de la VIVA World Cup, plusieurs compétitions existaient, et existent toujours, entre les petites nations, territoires et peuples. Parmi les plus durables, on peut évoquer l'Adam Shield, qui opposa les îles Féroé aux Shetland de 1935 à 1967 ; le tournoi des îles Leeward, opposant depuis 1949 des îles cmme Anguilla, Saint Croix, Saint Martin, etc. ; le Muratti Vase, entre Guernesey, Alderney et Jersey, entre 1905 et 2007 ; la Milne Cup, entre Orkney et Shetland, depuis 1919. Le tournoi le plus durable et le plus relevé est le tournoi de football des jeux des îles, organisé par l'International Islands Games Association depuis 1989. La compétition réunit désormais seize équipes, devenant le premier tournoi de football pour les équipes non affiliées à la FIFA. Le tournoi féminin des jeux des îles a été lancé pour sa part en 2001. L'IGA compte actuellement 24 membres, dont certains peuvent prétendre à participer aux compétitions du N.F.-Board. Ainsi, ce dernier a décidé d'organiser la VIVA World Cup tous les deux ans, pour qu'elle puisse être disputée par le plus grand nombre d'équipes possible.

Le début des années 2000 a été marqué par un foisonnement d'initiatives et de compétitions d'équipes non affiliées à la FIFA : Pasefika Cup, Windward Islands Tournament, GFA Tournament, Tournoi des îles, par exemple. Le N.F.-Board a accompagné l'organisation de deux tournois en 2005 : l'UNPO Cup, du 24 au 26 juin, et la coupe des 50 ans de la KTFF, la fédération de Chypre du Nord, du 2 au 4 novembre. L'UNPO Cup est une compétition organisée en marge de la 7ème assemblée générale de l'UNPO, l'Organisation des Nationes et des Peuples non-représentés (Unrepresented Nations and Peoples Organization), fondée en 1991 et avec son siège à La Haye. La compétition a opposé la Papouasie Occidentale, les Moluques du Sud, la Tchétchénie et le Cameroun Méridional (représentant l'Ambazonie), tous membres de l'organisation. Les Moluques du Sud ont remporté la compétition. Les 50 ans de la KTFF ont été un test pour le N.F.-Board, qui préparait sa première VIVA World Cup : y participent, en plus du pays hôte, le Kosovo et la Laponie. Ce sont les Chypriotes qui remportent la compétition, après un tournoi triangulaire.

En 2006, avant la coupe du monde allemande a lieu la FIFI Wild Cup, organisée par le club de St. Pauli, à Hambourg. Tous les matchs se déroulent au Millerntor-Stadion, et on assiste à une victoire de Chypre du Nord, dans un tournoi ayant opposé le Groenland, Chypre du Nord, le Tibet, Gibraltar, Zanzibar et la « République de St. Pauli ». Au mois de novembre doit être organisé la première VIVA World Cup à Chypre, au vu des résultats de cette équipe et de l'organisation des festivités des 50 ans de la fédération. Mais après des ingérences politiques, et le refus de recevoir des équipes comme le Kurdistan, le N.F.-Board décide d'organiser sa première coupe du monde en Occitanie, à Hyères-les-Palmiers, tandis que la fédération chypriote organisait l'ELF Cup aux mêmes dates, du 19 au 25 novembre 2006. L'ELF (pour Egality, Liberty, Fraternity) Cup eut un nombre d'équipes plus élevés, la KTFF ayant proposé aux équipes intéressées de financer leur voyage, contrairement au N.F.-Board qui ne peut se permettre un tel investissement. Sept équipes sont reçues, dont trois membres du N.F.-Board et deux de la FIFA : Zanzibar, le Tibet, le Groenland, et le Kirghizistan et le Tadjikistan. Ces deux dernières, sous la pression de la FIFA, envoient leur équipe de futsal, tandis que l'Afghanistan a préféré annuler sa participation. Les deux dernières équipes à prendre part à la compétition, qui voit la victoire de Chypre du Nord, sont la Gagaouzie et les Tatars de Crimée. Quant à la VIVA World Cup, qui devait opposer huit équipes à l'origine, fut réduit à six du fait de la participation de membres du N.F.-Board à l'ELF Cup. Trois de ces six équipes ne purent participer à la compétition : la Papouasie occidentale qui n'a pas assisté à l'assemblée générale du N.F.-Board en septembre 2006, la fédération Rom pour des problèmes logistiques et le Cameroun Méridional pour des problèmes de visa, au dernier moment. Les trois compétiteurs sont la Laponie, Monaco et l'Occitanie, « pays » hôte. La finale oppose la Laponie à Monaco, pour une victoire 21-1 des Lapons, devant 150 spectateurs au stade Perruc d'Hyères, bien loin de l'Olympiastadion, lieu de la finale de la coupe du monde de la FIFA la même année.

 

La VIVA World Cup 2008, organisée à Gällivare, en Laponie, a lieu du 7 au 13 juillet. Elle est précédée en juin de la même année par l'Europeada, organisée en Suisse par l'Union fédéraliste des communautés ethniques européennes, et remportée par le Sud-Tyrol face aux Croates de Serbie. Alors que le N.F.-Board espérait douze participants, seules cinq équipes prennent part à la deuxième édition de la compétition, auxquelles s'ajoutent deux équipes pour le tournoi féminin. Pour le tournoi masculin, ce sont la Laponie, la Padanie, la Provence, le Kurdistan et les Araméens ; le tournoi féminin oppose la Laponie au Kurdistan. La Padanie remporte pour la première fois la compétition face aux Araméens, avec dans leurs rangs des joueurs professionnels comme Federico Cossato ou Massimiliano Scaglia. La double confrontation féminine est remportée par les joueuses locales, qui battent leurs homologues kurdes 4-0 puis 12-1. Cette compétition a fait l'objet de nombreux articles dans la presse, médiatisant l'action du N.F.-Board partout dans le monde : des articles ont été recensés en France, en Italie, au Royaume-Uni, au Brésil, au Danemark, au Portugal mais aussi en Pologne, en Slovaquie, en Thaïlande, en Uruguay, en Inde et au Botswana. À cette occasion est publié un article très complet par Sport et Vie en Belgique.

La Padanie organise la VIVA World Cup en 2009, le N.F.-Board ayant décidé d'adopter un rythme annuel, avant de revenir sur cette décision. Pour la première fois, les matchs ont lieu dans des stades de grande taille, même si les affluences restent minimes : le stade Franco Ossola de Varese, le stade Mario Rigamonti de Brescia, le stade Silvio Piola de Novara et le stade Marcantonio Bentegodi, de près de 40 000 places, où évoluent le Chievo Vérone et l'Hellas Vérone. Six équipes participent à l'événement : la Padanie, l'Occitanie, le Kurdistan, la Provence, Gozo, et la Laponie. La Padanie remporte son deuxième titre mondial face au Kurdistan devant 2 000 spectateurs en finale, et dans son effectif cette année-là Maurizio Ganz, qui a joué pour l'Inter Milan et le Milan AC à la fin des années 1990.

La dernière édition de la VIVA World Cup s'est tenue à Gozo, une île de Malte, du 29 mai au 6 juin 2010, au Gozo stadiul de Xewkija et au Sannat Ground de Sannat, respectivement 4 000 et 1 500 places, loin des stades nouvellement construits en Afrique du Sud. Six équipes y prennent part, dont une nouvelle : le Royaume des Deux-Siciles. Les autres participants sont le tenant du titre, la Padanie, le Kurdistan, l'Occitanie, Gozo et la Provence. La Padanie s'impose en finale face au Kurdistan, tandis que pour le tournoi féminin, qui ne rassemble que deux équipes, la Padanie étrille Gozo 4-0.


L'édition 2012 de la VIVA World Cup doit avoir lieu du 25 mai au 5 juin 2012 au Kurdistan, dans la province d'Erbil. Si l'on ne peut mesurer l'impact réel des éditions précédentes, et leur importance, on peut noter que la presse s'y est intéressée, même comme une simple curiosité, ainsi que quelques chercheurs, en témoignent les mots de Pascal Boniface en 2009 dans une interview donnée au Monde. La plus grande difficulté pour le N.F.-Board est de trouver des ressources pour, à terme, pouvoir financer au moins en partie le voyage des équipes, et éviter des désistements. Pour l'équipe tibétaine, ce genre de voyage est estimé à 30 000 €. Ce type de compétition et d'institution met en avant, par le sport, des identités régionales et nationales souvent méconnues, parfois insignifiantes. Mais c'est l'occasion pour ces peuples, nations, territoires d'affirmer et d'afficher leur identité. Sept délégations se sont déplacées pour le voyage de reconnaissance effectué en septembre 2011 au Kurdistan : l'Occitanie, la Provence, la Rhétie, les Chagos, le royaume des Deux-Siciles, Gozo et Monaco ; celles-ci, ainsi que les représentants du N.F.-Board ont rencontré les entreprises locales, partenaires potentiels, les diplomates régionaux, kurdes et français, ainsi que les installations, dans une région en plein essor. La VIVA World Cup ne peut être un levier économique aussi grand que son homologue de la FIFA, mais elle permet à des territoires et des peuples de se montrer, pour qu'ils puissent par la suite faire valoir leurs capacités organisationnelles, et éventuellement intégrer les confédérations régionales affiliées à la FIFA, ou la FIFA elle-même. L'objectif est aussi, pour Jean-Luc Kit, de « rapprocher des gens qui ne se sont pas toujours parlé », « puisque dans l'irréductible village de la VIVA World Cup, un autre football est apparemment possible ».

 

Bibliographie sur les différents points (celle-ci sera prochainement augmentée)

Sur le N.F.-Board et la VIVA World Cup :

Pim Verschuuren, « Une coupe du monde de foot pour les peuples dépourvus d'État », 16 décembre 2009. [ici]

Sur la nation et le nationalisme dans le football et dans le sport :

- Paul Dietschy, « Les avatars de l'équipe nationale. Football, nation et politique depuis la fin du 19e siècle », Vingtième Siècle. Revue d'Histoire, n°111, juillet-septembre 2011, p.35-47.

- Jean Saint-Martin, « Nationalismes », dans Michaël Attali et Jean Saint-Martin (dir.), Dictionnaire culturel du sport, Paris, Armand Colin, 2010, p.350-354.

Les ouvrages de Pascal Boniface comportent des passages sur les équipes nationales non affiliées et les équipes régionales :

- Pascal Boniface, La terre est ronde comme un ballon. Géopolitique du football, Paris, Seuil, 2002 (notamment p.72-73).

- Pascal Boniface, Football et Mondialisation, Paris, Armand Colin, 2006.

Sur la question des équipes nationales non affiliées à la FIFA, et la question des nations dans le football :

- Steve Menary, Outcasts ! The Lands That FIFA Forgot, Know The Score Books, 2007. Cet ouvrage est prolongé sur le blog de l'auteur, http://outcasts-book.blogspot.com.

- Steve Menary, GB United ? Bristish Olympic Football and the End of the Amateur Dream, Pitch Published Ltd., 2010.

Sur le football en Corse :

- Didier Rey, La Corse et son football, 1905-2000, Ajaccio, Albiana, 2003.

- Victor Sinet, Corse au football de feu, Paris, Calmann-Lévy, 1971.

- Victor Sinet, La fabuleuse histoire du football corse, Ajaccio, Albiana, 2000.

Sur le football en Catalogne et au Pays Basque :

- François Besson, Identité et football en Catalogne. Le rôle du football dans la construction identitaire en Catalogne de la fin du XIXe siècle à nos jours, Mémoire de science politique, IEP de Grenoble, 2004.

- Antoni Closa, Selecció Catalana de Fútbol : nou dècades d'història, Editorial Jaume Rius, 1999.

- Joseba Gotzon Varela, Euskadiko Futbol Selekziareb Historia, Bilbao, Beitia, 1998.

Plus large sur le Pays Basque, comprenant des passages sur le football :

- Jeremy MacClancy, Expressing identities in the Basque arena, Oxford/Santa Fe, James Currey/School for Advanced Research Press, 2007. 



1 Sur l'équipe nationale du Tibet, voir le film The Forbidden Team de 2003.

 

 

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